Salaire brut ou salaire net : quelle base pour les condamnations prud’homales et pour les contrôles URSSAF ?
Salaire brut, salaire net, deux montants pour une même rémunération. Ces notions sont souvent la cause de confusions. Quel salarié n’a jamais négocié son salaire en raisonnant en net et son interlocuteur, lui, raisonnant en brut voire brut augmenté des charges patronales et salariales… le super brut ! Arrêtons-nous sur deux autres illustrations.
Pour calculer le montant d’un redressement certains inspecteurs de l’Urssaf ont pu considérer durant un temps que les salariés avaient perçu les sommes redressées « nettes de charges ».
Ils ont alors procédé à un savant calcul pour déterminer un montant brut qui avait été perçu par les intéressés. On parle alors de « rebrutalisation » des sommes. De ce montant (reconstitué en brut) ainsi déterminé, ils ont calculé le montant du redressement. De fait, en recalculant une prime en brut en partant d’une somme en net, le redressement se trouve augmenté de facto de 25%. Cette pratique a été utilisée pendant un temps. Elle vient de connaitre un coup d’arrêt.
Le 24 septembre 2020, la Cour de Cassation a rejeté cette pratique de rebrutalisation des sommes réintégrées. Elle indique dans sa décision : « En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la société n’avait pas procédé au précompte de la part des cotisations et contributions due par les salariés, de sorte que la réintégration des sommes afférentes aux avantages litigieux correspondait à leur montant brut, la cour d’appel a violé [L.242-1 et L.243-1 du code de la Sécurité sociale]. »
L’avantage octroyé ou la rémunération perçue par un salarié doit être réintégré dans l’assiette des cotisations pour un montant correspondant à une valeur en « brut ». La méthode consistant à calculer un montant « brut » fictif à partir d’un montant « net » n’est donc pas permise par la réglementation et encore moins par la jurisprudence.
La décision de la Cour de cassation se fonde notamment sur l’article L. 243-1 du code de la Sécurité sociale qui précise que : « La contribution du salarié est précomptée sur la rémunération ou gain de l’assuré lors de chaque paie. »
Les cotisations sociales sont calculées sur le montant brut, avant précompte éventuel des cotisations salariales, des sommes et avantages compris dans l’assiette des cotisations.
La solution semble claire et établie ! Si l’inspecteur a rebrutalisé les sommes redressées… il est peut-être encore temps de demander l’annulation dudit redressement…
En matière de contentieux prud’hommes, les condamnations sont-elles en « brut » ou « nettes de charges sociales » ?
Encore une fois, le sujet est important la différence de montant entre une condamnation nette de charges sociales ou en brut est d’environ 25%. La question se pose évidemment en cas de silence du juge…
Plusieurs cours d’Appel se sont déjà prononcées sur ce sujet.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Arrêt du 13 mars 2014) a jugé: « En matière prud’homale, les condamnations s’entendent en brut, sauf précision contraire. » En l’absence de précision, une somme allouée par une juridiction est nécessairement prononcée en brut et la soumission aux cotisations sociales ne résulte que de la réglementation sociale et fiscale.
Un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes (Arrêt du 17 mars 2015) a précisé pour sa part : « la Cour ayant, dans son arrêt susvisé, alloué la somme de 52.000 euros supérieure au minimum légal de 6 mois de salaire, celle-ci n’était pas exonérée de contributions de sécurité sociale due par l’employeur et devait de ce fait s’entendre nécessairement comme allouée en brut, peu important qu’elle le soit à titre de dommages et intérêts et non de salaire ou accessoires ».
La Cour d’appel de Paris (Arrêt du 4 septembre 2014) a précisé que : « les sommes allouées au titre de la rupture du contrat de travail sont des sommes en brut à moins qu’il ne soit précisé expressément qu’il s’agit de sommes nettes, ce que n’indique pas la décision du 8 février 2013 ; que l’indemnité litigieuse doit donc s’entendre en brut et non en net contrairement à ce qu’a décidé le premier juge ».
Pour sa part, la Cour de cassation s’est également prononcée en ce sens on peut citer les Arrêts de la chambre sociale du 7 juin 2006 et 25 avril 2007.
On soulignera une décision de la Cour d’appel d’Orléans qui est venue préciser : « Il ressort des dispositions du Code de la sécurité sociale que le redevable de la CSG et la CRDS est le salarié et que ces contributions ne peuvent être mises à la charge de l’employeur qu’à titre de complément de dommages et intérêts par une mention expresse de la décision de condamnation. Par suite, et sauf mention contraire, toute condamnation est formulée en brut et est assujettie aux contributions légales ».
Comme en matière de contrôle Urssaf, le raisonnement en matière de prud’hommes repose sur les dispositions de l’article L.243-1 du code de la Sécurité sociale qui met à la charge de tout salarié l’obligation du paiement des charges sociales : « Le salarié ne peut s’opposer au prélèvement de cette contribution ».
Ainsi, les condamnations prud’hommes doivent bien s’entendre en brut, sauf à ce que le juge en décide expressément autrement. Dès lors qu’elles ont la nature de rémunération (rappel de salaire, indemnités compensatrices de congés payés, préavis, etc.), elles doivent faire l’objet du précompte des cotisations sociales.
Par Thibault Ngo Ky
Ouvrages de Thibault Ngo Ky aux éditions Arnaud Franel :
Vademecum du contrôle URSSAF 2020
Réussir son contrôle Urssaf