Pourquoi certains objets deviennent-ils des collectors ?
Tout le mobilier qui vous entoure n’a pas nécessairement de valeur patrimoniale. Bon nombre d’objets que vous possédez subissent les affres de l’usure et des changements de mode pour finir par être remplacés, jetés ou revendus à une somme bien en deçà de leur prix d’achat. Comment se fait-il que certains biens connaissent un destin bien moins funeste et voient leur valeur non pas diminuer, mais s’apprécier avec le temps ?
Élasticité de l’offre
Le marché se scinde en deux : d’un côté les biens dont l’offre est élastique voient le volume des transactions augmenter ou diminuer sans pour autant constater de fortes variations de prix (IKEA produira des étagères Billy tant qu’il y aura de la demande) et les objets d’exceptions (une commode B.V.R.B.), dont l’offre n’est pas élastique, voient leur prix augmenter au fur et à mesure que la demande augmente.
Ancienneté
L’objet courant connaît généralement une baisse de valeur constante au cours de son cycle de vie, engendrée par son obsolescence, son usure et l’arrivée de nouveaux modèles sur le marché.
L’objet d’Art ou de collection subit, lui, un phénomène d’obsolescence inversée : plus il est ancien, plus il a tendance à prendre de la valeur. Il en va ainsi du vin, des œuvres d’Art, des automobiles, des meubles et des livres les plus anciens. Tous les records du monde appartiennent à l’histoire de leur spécialité. Que ce soit le Salvator Mundi de Léonard de Vinci vendu par Christie’s en 2017 pour 450 millions de dollars ou une Ferrari 250 GTO de 1962 qui bat le record du monde pour une automobile de collection en 2018 pour 48 millions de dollars.
Mimétisme et spéculation
Lorsque la confiance des acheteurs dans leur propre opinion est relativement faible, ces derniers ont tendance à abandonner leurs convictions au profit de la tendance dominante. Il en va de même des nouveaux acheteurs qui, en entrant sur le marché, adoptent un comportement moyen en achetant des “valeurs sûres” en attendant d’être suffisamment à l’aise pour faire ses propres choix.
Dans les deux cas, les acheteurs sont davantage réceptifs au bruit médiatique. Celui-ci a pour effet d’exagérer, par sensationnalisme, les événements du marché (ventes records ou chute soudaine de la cote) pouvant engendrer des mouvements d’euphorie (FOMO : Fear of Missing Out) ou de panique parmi les acteurs du marché les moins avertis.
En abandonnant son propre jugement, l’acheteur ne joue plus son rôle de validateur de la qualité des objets qui lui sont présentés. Il va même survaloriser la position dominante, créant ainsi un décalage entre valeur fondamentale et valeur financière. Le marché devient alors spéculatif.
Élasticité inversée et effet Veblen
Autre particularité des œuvres d’Art et objets de collection : leurs demandes peuvent connaître un phénomène d’élasticité inversé, nommé effet Veblen. Pour ces biens : plus le prix est élevé, plus la demande augmente et inversement plus le prix est faible, plus la demande diminue. Autrement dit : plus c’est cher et mieux cela se vend.
Ce phénomène s’explique par le fait qu’un prix élevé d’un bien augmente son prestige. Une notion de prestige qui est d’autant plus vrai lorsque l’objet réalise un record du monde lors de sa vente. En acquérant l’objet, l’acheteur enrichit son patrimoine mobilier autant qu’il développe son capital social. À l’inverse, un prix trop faible renvoie l’image d’un objet de piètre qualité, voire suspicieux, pour lequel il n’existe pas de réelle demande. Dans les deux cas, le prix n’est plus la conséquence de la demande, mais la demande devient la conséquence du prix.
Ouvrage de Benoit Coffin aux éditions Arnaud Franel :
Le marché de l’Art