La richesse ou les impôts : qui est le grand gagnant ?
En cette période de crise sanitaire et économique sans précèdent, certains évoquent l’idée d’une augmentation de la fiscalité applicable aux personnes physiques « les plus aisées ». Tachons, dans ce billet, de donner quelques éléments chiffrés pour tenter de se forger une opinion.
Taxer les « riches » consiste à taxer un « stock ».
Trivialement, taxer les « riches » signifie en général taxer la « possession ou la transmission d’un patrimoine ». La taxation de la possession peut prendre la forme, dans le 1er cas, de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière), de l’ancien ISF (impôt de solidarité sur la fortune) ou de la taxe foncière ; la transmission d’un patrimoine étant notamment taxée via les droits de succession ou de donation. Taxer un patrimoine impose par ailleurs de définir à partir de quel seuil, un contribuable est considéré comme « riche », c’est-à-dire à partir de quel niveau de patrimoine cette taxation démarre : pour l’IFI, le seuil d’imposition débute à 1.300.000 euros de patrimoine net taxable (avec un taux marginal d’imposition de 1,50 % pour la fraction de la valeur nette taxable de patrimoine supérieure à 10.000.000 d’euros). Pour les transmissions, l’imposition commence à 100.000 euros de patrimoine transmis en ligne directe parent/enfant (avec un taux marginal de taxation fixé à 45% au-delà de 1.805.677 euros de patrimoine taxable transmis).
Taxer les « hauts revenus » procède d’une logique différente et consiste à taxer des « flux ».
Les revenus des personnes physiques sont notamment taxés via l’impôt sur le revenu (flat tax de 12,8% et/ou barème progressif au taux marginal d’imposition de 45% pour la fraction du revenu imposable supérieure à 156.244 euros par part) et les prélèvements sociaux (17,2%). À cela se rajoute, le cas échéant, la bien nommée « Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus » (CEHR), au taux marginal de taxation de 4% pour la fraction du revenu fiscal de référence (RFR)* supérieure à 500.000 euros pour un célibataire et 1.000.000 euros pour un contribuable marié ou pacsé. Cette taxation intervient que ces revenus soient par la suite dépensés, investis ou thésaurisés. Dit autrement, la taxation des revenus intervient que ceux-ci soient ou non transformés en stock. Par ailleurs, ces revenus peuvent être issus d’un patrimoine existant (dividendes ou revenus fonciers par exemple) ou non (cas des salaires ou des retraites).
Est-on forcément « riche » lorsque l’on dispose de « hauts revenus » (et inversement) ?
Selon la commission des Finances de l’Assemblée nationale, les redevables de l’IFI disposaient en 2018 d’un revenu fiscal de référence moyen de 234.126 euros, avec une moyenne de 182.582 euros pour les contribuables imposés dans la 1ère tranche d’IFI et de 1.218.362 euros pour ceux imposés dans la dernière tranche (Rapport d’information n° 2169 déposé par la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’application des mesures fiscales et Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juillet 2019 – http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b2169_rapport-information).
À titre de comparaison, les redevables de ISF 2017 (dernière année d’existence) percevaient un revenu fiscal de référence moyen de 164.171 euros, avec une moyenne de 115.692 euros pour les contribuables imposés dans la 1ère tranche et de 983.955 euros pour ceux imposés dans la dernière tranche.
Taxer le stock, la transmission de ce stock ou les flux : quelles recettes ?
En 2018, L’IFI a rapporté, après réduction d’impôt et plafonnement, environ 1,3 milliards d’euros et a concerné environ 130.000 contribuables (cf. rapport précité) . À titre informatif, le rendement net de l’ISF 2017 était d’environ 4 milliards d’euros après réduction d’impôt et plafonnement (Rapport d’information n° 1172 – juillet 2018)
Par ailleurs, d’après l’INSEE, les droits sur les mutations à titre gratuit (succession et donation) ont quant à eux rapportés près de 15,2 milliards d’euros (étude « Impôts – Données annuelles de 1995 à 2019 » – https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381408#tableau-figure1).
Selon le Bureau des études statistiques de la DGFiP, l’impôt sur le revenu a rapporté en 2018 plus de 70 milliards d’euros et a concerné environ 16 millions de foyers fiscaux ; les foyers disposant d’un revenu fiscal de référence annuel supérieur à 100.000 euros contribuant à ces recettes pour plus de 30 milliards d’euros (https://www.impots.gouv.fr/portail/statistiques – données 2018 sur les revenus 2017 – données nationales).
Taxer les « riches » ou les « plus aisés » … chacun se fera sa propre opinion !
Comparaison n’est pas raison. Toutefois, taxer les flux des « plus aisés » (foyers disposant d’un revenu fiscal de référence annuel supérieur à 100.000 euros) rapporte en moyenne entre 2 et 20 fois plus de recettes fiscales que de taxer la possession des « plus riches ».
* Pour mémoire La notion de RFR vise à donner l’appréciation la plus proche du niveau de ressources effectif des foyers fiscaux et de leurs capacités contributives. Son assiette est plus large que celle utilisée pour le calcul de l’impôt sur le revenu : en sus du montant net des revenus et plus-values retenus pour l’établissement de ce dernier, sont réintégrés certains revenus exonérés et certaines charges déductibles du revenu global.
Ce billet n’est qu’un simple document informatif rédigé dans le cadre d’une diffusion grand public. Il ne saurait s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique ou fiscale.
Par Julien Dupré
Ouvrages de Julien Dupré aux éditions Arnaud Franel :
Le PEA et le PEA-PME 2e édition