Qui est responsable de mettre en garde l’emprunteur contre les risques du crédit ? (2/2)
Les obligations précontractuelles de l’IOBSP forment une part essentielle de sa sécurité juridique (voir : obligations et responsabilités de l’IOBSP, juin 2016).
Attention : cette « obligation de mise en garde », fruit de l’imagination des banques pour écarter la lourde charge de l’obligation de conseil en crédits, a changé de définition. Depuis le 1er octobre 2016, la mise en garde n’est plus relative au « risque d’endettement né de l’octroi des crédits » (formulation maladroite) auprès d’emprunteurs « non avertis ». À présent, en crédit immobilier, la mise en garde consiste à alerter « gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui » (article L. 313-12 du Code de la consommation). Elle touche tous les emprunteurs, avertis ou non.
Le Droit du crédit immobilier a changé ; reste la solution de principe dégagée par la Cour de cassation, qui apporte une réponse à l’une des nombreuses questions laissées en vrac par la confuse et lourde législation de l’intermédiation bancaire : en présence d’un Courtier-IOBSP, peut-être de tout IOBSP, la délivrance des obligations précontractuelles repose intégralement sur l’Intermédiaire, pas sur le prêteur.
Cette solution serait-elle identique avec le Droit actuel du crédit immobilier ? Rien n’est moins sûr. En principe, les obligations précontractuelles sont, en large part, cumulatives : elles doivent être délivrées par la banque et par l’IOBSP. S’agissant de la seule obligation de mise en garde, la législation adopte un « ou » alternatif « le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur […] » (article L. 312-12 du Code de la consommation, précité). Rien ne permet cependant de déduire de cette rédaction bien faible que la banque est dispensée d’un devoir de mise en garde en crédit immobilier, en présence d’un Intermédiaire. Son rôle de décideur du crédit devrait l’y pousser. Car « Le crédit n’est accordé à l’emprunteur que si le prêteur a pu vérifier que les obligations découlant du contrat de crédit seront vraisemblablement respectées conformément à ce qui est prévu par ce contrat » (article L. 313-16 du Code de la consommation). Cette « vérification » incombe au seul prêteur. Elle offre un argument juridique de poids aux emprunteurs en difficulté de remboursement.
Les banques ont tellement vanté le devoir de mise en garde, en réalité à seule fin d’échapper à toute obligation de conseil, qu’il serait vraiment dommage qu’elles cessent de le pratiquer. Il serait hautement regrettable de les aider à fuir la protection des consommateurs.
L’IOBSP qui enfreint ses obligations précontractuelles est directement responsable des conséquences d’un crédit immobilier excessif. Pas la banque, pourtant seul décideur du crédit.
Par Laurent Denis
Ouvrages de Laurent Denis aux éditions Arnaud Franel :
Réussir son crédit immobilier