Les panneaux photovoltaïques, le contrat de crédit et le démarcheur : fable moderne (2/2)
(Suite de la partie 1)
L’accord des emprunteurs pour concrétiser la commande des panneaux et la mise à disposition des fonds n’efface en aucune façon l’enfreinte des obligations spécifiques du démarchage.
Le mode de vente par démarchage, ou hors établissement, impose des obligations particulières, supplémentaires. Le prêteur doit même les vérifier. De plus, la détention d’une carte de démarchage reste en vigueur (article L. 353-1 du Code monétaire et financier), contrairement à une opinion répandue. De fait, il est vrai qu’elle ne sert pas à grand-chose, depuis l’enrôlement (immatriculation) des Intermédiaires français, à quelques exceptions près, au registre national des Intermédiaires, tenu par l’efficace ORIAS.
Le vendeur n’a pas respecté ses obligations de démarchage, en premier lieu, celle qui offre aux emprunteurs un droit de rétractation (art. L. 221-9 et L. 221-18 du Code de la consommation). Elle complète l’information précontractuelle renforcée, ainsi que l’impossibilité de recevoir tout paiement.
Pourtant, les acheteurs-emprunteurs ont manifesté leur pleine satisfaction. Ils ont donc donné l’ordre au prêteur de verser les fonds au professionnel. Puis, comme c’est fréquent, des soucis de fonctionnement des panneaux solaires sont apparus ; il aurait pu s’agir de difficultés de remboursement. De vilaines fuites ont remplacé la satisfaction initiale. La belle énergie promise s’est enfuie. Et le professionnel, mauvais joueur, n’a consenti aucune réparation aux acheteurs.
Cherchant une idée pour tordre le cou au contrat de crédit devenu aussi hostile que les panneaux félons, il a alors paru bien commode aux emprunteurs de rechercher dans le mode de vente du contrat de crédit quelles obligations avaient pu être sauvagement négligées. Celles du démarchage se sont prêtées naturellement à cette introspection.
Il restait à fixer le point où le droit peut basculer d’un côté ou de l’autre.
Des emprunteurs qui ordonnent la mise en place du contrat de crédit peuvent-ils encore se prévaloir des anomalies relevées durant la commercialisation de ce contrat ?
Parfaitement, décide la Cour de cassation (Cour de cassation, Civ. 1ère du 4 octobre 2017 n°16-23.022). Car tout simplement leur décision d’exécuter le contrat n’efface pas les manquements du professionnel. Cette exécution du contrat ne signifie pas que les consommateurs ont bien eu conscience des irrégularités de la vente par démarchage.
Ils n’ont ainsi pas expressément renoncé à faire valoir leurs droits à l’égard du contrat non conforme. Signer pour reconnaître que les travaux sont terminés n’exprime pas l’abandon de ces droits.
Même ayant manifesté leur profonde joie à l’issue des travaux, leur contrat découlant d’un démarchage non conforme reste nul, selon la Cour de cassation.
La satisfaction momentanée des consommateurs n’efface pas les manquements du professionnel, en cas de vente à distance non-conforme. Un contrat de crédit signé avec un démarcheur qui n’a pas respecté pas ses obligations est nul, même exécuté, à moins que le consommateur ne l’ait expressément et sûrement accepté en connaissance de cause.
Par Laurent Denis
Ouvrages de Laurent Denis aux éditions Arnaud Franel :
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