PEA et participations substantielles : cas pratique
Un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes nous rappelle que les règles selon lesquelles un contribuable ne doit pas détenir via son PEA des titres représentatifs d’une participation substantielle, détaillées dans la Partie 1 : https://www.vademecum-patrimoine.com/2017/05/11/pea-participations-substantielles/ doivent être appliquées strictement, y compris pour des participations substantielles détenues sur une courte période (CAA de NANTES, N° 14NT01234, 7 janvier 2016, inédit au recueil Lebon).
Partie 2 : cas pratique
Dans cette affaire, un groupe industriel V. devait être repris par une société anglaise, des investisseurs financiers et certains managers de V.
Cette reprise prévoyait la constitution d’une holding de rachat dont le capital serait détenu à hauteur de 40 % par la société anglaise, 47,5 % par les partenaires financiers et 12,5 % par des cadres du groupe V.
Pour des raisons de calendrier, l’implication des partenaires financiers fut plus tardive que prévue, obligeant les managers et la société anglaise à constituer seuls la holding de reprise.
A ce titre, Monsieur A., directeur administratif et financier du groupe V., participa à la création de la holding le 10 janvier 1995. Les titres reçus en contrepartie de son apport représentèrent 49,88 % de la structure (pour une valeur de près de 19.000 €) et ne furent pas inscrits sur un PEA.
Vingt jours plus tard, une seconde augmentation de capital fut réalisée pour permettre l’entrée des partenaires financiers retardataires au capital de la holding. A cette occasion, Monsieur A. apporta l’équivalent de 171.000 € supplémentaires et vit sa participation dans la holding ramenée à 6,25 %. Une partie des titres reçus en contrepartie de ce nouvel apport furent inscrits sur un PEA.
La participation de Monsieur A. au capital de la holding de reprise représenta donc 49,88% du 10 au 30 janvier 1995, puis 6,25 % à partir de cette dernière date.
En 2008, Monsieur A. céda ses participations dans le groupe V. pour un montant de 11.000.000 €, et ne déclara pas la plus-value afférente à la cession des titres logés en PEA.
L’administration fiscale contesta la validité du PEA : pour celle-ci, la détention par Monsieur A. de plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la holding avant l’inscription d’une partie des titres de cette dernière dans le plan (à savoir du 1er au 30 janvier 1995) constituait un manquement aux règles de fonctionnement du PEA.
Le litige entre Monsieur A. et l’administration fut porté en justice : il fut jugé que le plan devait effectivement être considéré comme clos, bien que ce bref et temporaire dépassement du seuil de 25 % des droits dans les bénéfices de la holding de reprise résultait en l’espèce de circonstances indépendantes de la volonté du titulaire du PEA !
Pour la cour, « l’administration a estimé à bon droit que ce PEA devait (…) être regardé comme clos de sorte que les dividendes perçus en 2005, 2006, et 2007 à raison de la détention des titres de la société et la plus-value réalisée en 2008 lors de la cession des titres de cette société, inscrits sur le PEA de M.A., étaient imposables à l’impôt sur le revenu au titre de ces mêmes années ».
Notons que ne fut pas appliquée la tolérance administrative visée ci-avant.
Le jugement est sévère et la sanction est lourde : imposition à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values et dividendes afférents aux titres détenus en PEA, avec application des intérêts de retard et des pénalités !
Il convient donc d’être particulièrement attentif à l’historique des opérations ante-PEA, notamment en matière de titres non cotés.
Ce billet ne saurait s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique. Il ne saurait remplacer un entretien personnalisé avec un conseil spécialisé.
Par Julien Dupré
Ouvrages de Julien Dupré aux éditions Arnaud Franel :
Le PEA et le PEA-PME