L’ère Trump : politiques attendues et impacts globaux
La victoire totale de Donald Trump et des Républicains (Présidence, Sénat, la Chambre des Représentants et Cour Suprême) lui offre un pouvoir quasi illimité et les coudées franches pour appliquer sa politique. Mais quelle est-elle ? Et quelles pourraient en être les conséquences pour les États-Unis et pour le reste du monde ?
Quelles sont les mesures attendues ?
Le programme de Donald Trump énoncé lors de ses interventions et meetings s’organise autour d’une idée simple : priorité au pays et à ses citoyens.
Sans avoir le détail précis des mesures qu’il souhaite et/ou qu’il mettra véritablement en œuvre, on peut retenir sept grands axes :
1. Une lutte sans merci contre l’immigration. Au soir de sa victoire, il prononçait ces mots « nous allons réparer nos frontières… et procéder à la plus grande expulsion de clandestins de l’histoire des États-Unis ».
2. L’augmentation des droits de douane. Il a annoncé vouloir augmenter dès le 1er jour de son mandat les droits de douane d’un minimum de 10 % sur toutes les importations et jusqu’à 60 % pour les biens produits en Chine.
3. Un soutien massif aux énergies fossiles et aux infrastructures ; il compte « diviser par deux » les coûts énergétiques du gaz et du pétrole en « forant comme des malades ».
4. La baisse des impôts. Pour les particuliers, en prolongeant en 2025 les mesures sur les revenus et les successions qu’il avait mises en place lors de son 1er mandat et qui se termine l’année prochaine. En mesure ciblée, il propose l’exonération d’impôt sur les pourboires. Pour certaines entreprises, une baisse de l’impôt sur les sociétés à 15 %.
5. Un effort ciblé sur les classes moyennes qui ont été très affectées par l’inflation ces dernières années. Dans les idées émises, la création d’un crédit d’impôt pour les aidants familiaux, un plafonnement des frais bancaires (carte de crédit, taux d’intérêt plafonné…)
6. La dérégulation élevée au rang de priorité. Soutenu par une partie de la tech américaine, il souhaite abroger le décret de Joe Biden sur l’intelligence artificielle. Il souhaite nommer Elon Musk, patron de Tesla et SpaceX, pour « réformer en profondeur » la voilure du gouvernement fédéral. Le ministère fédéral de l’Éducation sera ainsi supprimé, et ses compétences déléguées aux États.
7. Une politique étrangère transformée. Il est bien difficile de savoir précisément ce qu’elle sera tant il a exprimé de phrases péremptoires pendant sa campagne telles que pouvoir mettre fin à la guerre d’Ukraine « en vingt-quatre heures » et « restaurer la paix en Europe ». En revanche et comme lors de son premier mandat, il se montre un très proche allié d’Israël. En ce qui concerne l’Otan, son approche est caractéristique de son besoin de réaliser des deals : « Si vous payez, vous serez protégés, sinon non ». Une autre incertitude : quelle serait son attitude si la Chine envahissait Taiwan ?
Qu’en est-il du déséquilibre de la balance commerciale américaine dénoncé constamment par D. Trump ?
S’il a mis ce sujet systématiquement en avant lors de ses meetings pour expliquer, en premier lieu, les difficultés des Américains, peu de journalistes ont pris le temps de présenter ce sujet. Je vous propose de le faire rapidement.
Depuis plus de 20 ans, la balance commerciale américaine est fortement déficitaire et cette tendance s’est accrue ces dernières années. À fin septembre 2024 et sur un an, le déficit a encore augmenté de 11,8 %.
La Chine est le 1er exportateur de biens aux États-Unis, devant l’Union européenne (UE) assez proche en %. Les quatre principaux exportateurs européens sont l’Allemagne, la France, l’Irlande et l’Italie. Il est probable que D. Trump adopte une approche globale vis-à-vis de la Chine et plus sectorielle pour l’Europe ; ce qui pourrait notamment pénaliser les constructeurs automobiles allemands et les secteurs agricoles, viticoles et du luxe pour la France et l’Italie.
Quelles pourraient être les conséquences si le programme de D. Trump était mis en place ?
Il est possible, voire probable, que D. Trump ne tienne pas toutes ses promesses de campagne. En effet, pour bon nombre d’entre elles, notamment économiques, elles entraîneraient immédiatement une chute massive des marchés boursiers américains et mondiaux provoquant une crise économique à grande échelle.
Par exemple, une expulsion massive des étrangers en situation irrégulière entraînerait immédiatement des difficultés importantes, voire fatales, pour toute l’agriculture du Middle-west, le secteur de la restauration, celui des soins aux personnes et pour toutes les sociétés industrielles moyennes. Selon les derniers chiffres de 2022, plus de 10 millions d’étrangers illégaux travaillent actuellement dans ces secteurs.
Une hausse rapide et brutale des droits de douane entraînerait positivement une hausse annuelle de plus de 500 Md$ des impôts (en prenant l’hypothèse peu probable d’une consommation identique) mais augmenterait l’inflation, diminuerait le pouvoir d’achat des ménages américains, réduirait le PIB d’environ 1 % et détruirait environ 1 million d’emplois.
Pour D. Trump, la prolongation des baisses d’impôts étendues aux classes moyennes devrait compenser cette augmentation du coût de la vie pour les Américains mais aggraverait significativement le déficit du budget américain. C’est une des raisons pour lesquelles il souhaite s’attaquer à l’indépendance de la FED pour pouvoir reprendre en main la politique monétaire du pays. Il espère également que les promesses d’Elon Musk lors de la campagne de pouvoir réduire de plusieurs milliards le budget fédéral se réaliseront.
Il est probable que l’objectif annoncé d’augmenter les droits de douane soit surtout une arme de négociation face aux pays exportateurs qui « nous mettent en pièces ». C’est également un outil politique pour inciter les entreprises à localiser leur production aux États-Unis. Il en fera un large usage sauf probablement pour l’industrie technologique où cela pourrait fortement perturber les chaînes d’approvisionnement en semi-conducteurs et affecter les 7 géants américains de la tech qui l’ont soutenu lors de cette dernière élection.
D. Trump devra donc trouver un équilibre délicat entre les intérêts des consommateurs, des travailleurs et des entreprises. Si le protectionnisme peut favoriser les travailleurs américains, il ne profitera pas forcément aux consommateurs ni aux entreprises. Cependant, il est probable que cette politique entraîne un retour du protectionnisme mondial dont on a, à ce stade, du mal à mesurer les conséquences.
Par Patrick BUTTEAU
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