PEA et BSA : « bis repetita placent »

PEA et BSA : « bis repetita placent »

 

Quelques jours avant la dissolution de l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (dite « loi Attractivité ») a été adoptée par le Parlement. Cette loi contient diverses dispositions modifiant le droit des sociétés et le droit financiers. Parmi  ces mesures, plusieurs concernent le PEA et le PEA-PME, et notamment le recours aux BSA (bons de souscription d’actions) et aux DPS (droits préférentiels de souscription).

L’utilisation du PEA pour détenir des DPS et des BSA de nouveau possible

Depuis le 15 juin 2024, il est de nouveau possible d’inscrire des DPS et des BSA au sein d’un PEA lorsque ces droits et bons se rapportent à des titres éligibles.

Il devient donc possible d’inscrire des DPS et des BSA éligibles, mais également les titres souscrits par l’exercice de ces droits ou bons (sous réserve d’avoir dans cette dernière situation les liquidités suffisantes sur le compte-espèces du plan pour procéder à cet exercice).

Cette disposition concerne les bons et droits émis par des sociétés éligibles, qu’elles soient cotées ou non, et s’applique tant aux BSA « classiques » qu’à leurs déclinaisons start-ups (BSA-air, BSPCE…).

Les parlementaires ont justifié l’adoption de cette réforme par le nécessaire soutient au financement en capital des entreprises française dans un contexte de concurrence européenne et par le développement du « pré Seed » des start-ups françaises. Étonnamment, et malgré des amendements présentés en ce sens, la loi n’ouvre pas cette possibilité aux détenteurs de PEA-PME : cette enveloppe, pourtant destinée au financement des PME-ETI, se voit donc toujours privée de ces outils financiers très utilisés lors de la levée de fonds réalisées par de telles structures !

Une éligibilité réclamée par la Place…

Depuis 2014, la Place financière de Paris (FBF – Fédération bancaire française, ANSA – association nationale des sociétés par actions, et AMAFI – Association française des marchés financiers – notamment) alertait sur les difficultés induites par l’impossibilité (sauf rares exceptions) d’inscrire ou d’utiliser au sein d’un PEA des BSA et des DPS afférentes à des actions détenues au sein d’un plan.

Récemment, le Groupe de Travail de l’AMF sur le PEA demandait également l’éligibilité des DPS afférents à des sociétés non cotées et de certains BSA.

C’est désormais chose faite.

…mais qui devrai être maniée avec précaution compte tenu de son historique !

Il convient de noter que cette loi ne fait que remettre en place les règles en vigueur il y a près de 10 ans !

À l’époque, le législateur avait souhaité interdire l’utilisation des BSA dans la mesure où, selon lui, « des cas de fraude ont été constatés par l’administration fiscale sur des placements logés dans des PEA portant sur des titres à fort effet de levier potentiel (bons et droits de souscription d’actions, actions de préférence). Difficilement sanctionnables par l’administration, les contribuables parviennent ainsi à se soustraire au respect du plafond de versements».

Nous pensions à l’époque qu’il était dommage que le législateur choisisse l’inégalité pure et simple des DPS et les BSA pour sanctionner les abus (certes réels) de quelques contribuables seulement.

A l’initiative du Sénat, le législateur revient sur cette interdiction, sans réserve, ce qu’il faut saluer

Il conviendra toutefois d’être très prudent dans l’utilisation de ces outils au sein d’un PEA.

 

POUR ALLER PLUS LOIN :
Le PEA et le PEA-PME 3e édition

En effet que cette mesure a été adoptée contre l’avis du Gouvernement, qui considère toujours que cette éligibilité allait encourager les comportements d’optimisation fiscale, ce qui promet vraisemblablement des contrôles fiscaux à venir.

Aussi, pour ne pas retomber dans les situations que le législateur entendait combattre à l’époque, il sera impératif de s’assurer de la juste et réelle valeur d’inscription des bons sur le plan, et de leur prix d’exercice.

Par ailleurs, au regard des récents avis du CADF et dernières jurisprudences relatifs aux management packages (plutôt défavorables aux contribuables), il conviendra d’être prudent en cas d’investissements en BSA réalisés par des salariés/managers.

Le praticien averti se posera enfin la question de l’éventuelle taxation du gain lors de la cession de titres issus de l’exercice de tels bons au sein d’un plan.

Certes, l’ancien BOFiP relatif aux BSA prévoyait expressément que le régime de faveur du PEA s’appliquait aux BSA valablement inscrits en son sein et aux titres perçus lors de leurs exercices.

Mais la Rapporteuse publique, dans ses commentaires sur la décision précitée relative à l’éligibilité au PEA de titres issus de l’exercice de BSPCE, s’interrogeait de façon générale sur l’exonération fiscale des gains réalisés lors de la cession d’actions acquises par suite de l’exercice de tels bons (notamment s’agissant du « gain d’attribution ») ; ouvrant la voie à une éventuelle réforme.

Sur l’ensemble de ces points, nous invitons le lecteur intéressé à consulté la 3ème édition de notre ouvrage sur les règles juridiques et fiscales du PEA et du PEA-PME, qui vient de paraître | https://www.arnaudfranel.com/produit/le-pea-et-le-pea-pme-3e-edition/ |

 

Ce billet n’est qu’un simple document informatif rédigé dans le cadre d’une diffusion grand public. Il ne saurait s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique ou fiscale.

 

 

Par Julien Dupré

Photo de M. Julien Dupré

 

POUR ALLER PLUS LOIN :
Le PEA et le PEA-PME 3e édition

[1] Le c du 1° du I de l’article L221-31 du Code monétaire et financier autorise l’inscription sur le plan de « Droits ou bons de souscription ou d’attribution attachés aux titres mentionnés aux a et b du présent 1°. » ; il s’agit en réalité de la rédaction qui était en vigueur jusqu’à sa modification par l’article 13 de la loi de finances rectificative pour 2013 (cf. ci-après).

[1] Pour ces derniers, un arrêt récent du Conseil d’Etat avait censuré la position restrictive de l’administration fiscale et précisé que les titres souscrits par l’exercice de BSPCE pouvaient être inscrits sur un PEA alors même que ces bons étaient inéligibles (CE QPC 8e-3e ch. 8-12-2023 n° 482922).

[1] Par tolérance, le BOFiP sur le PEA autorisait, sous conditions strictes, l’utilisation des DPS uniquement lorsqu’ils se rapportaient à des actions cotées en bourse (BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20, n° 587).

[1] Le groupe de Travail AMF sur le PEA militait essentiellement pour rendre éligible au PEA les DPS et les BSA « succédanés de DPS » (sur ce sujet, voir le chapitre dédié dans la 3ème édition de mon ouvrage sur le PEA, ainsi que la position de l’AMF n° DOC-2020-06, « Guide d’élaboration des prospectus et de l’information à fournir en cas d’offre au public ou d’admission de titres financiers », page 84).

[1] Il convient de préciser que les autres propositions de ce Groupe de travail sur le PEA n’ont pas été retranscrites dans la loi Attractivité, notamment l’instauration d’un droit de rectification en cas d’erreur d’exécution du détenteur du plan ou de l’établissement

[1] Cf. notamment l’amendement n° 443 au projet de loi de finances pour 2013.

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Julien Dupré
Titulaire d’un master en gestion de patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et diplômé du Master « 223 – Droit du patrimoine professionnel » de ce même établissement, Julien DUPRE est juriste fiscaliste patrimonial au sein d’une Banque Privée.

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