Frais de courtage : un principe exclu du TAEG d’un crédit. (1/2)
Le Taux Annuel Effectif Global ou « TAEG » représente l’indicateur du prix global d’un crédit aux particuliers. Son calcul, déterminant, incombe au seul établissement de crédit prêteur. Une règle simple domine : entre dans le TAEG chaque coût qui correspond à une prestation exigée par le prêteur comme condition d’octroi du prêt. Mais les prêteurs ne font aucune différence entre les coûts du crédit en intégrant par principe tous ceux qui le touchent de près ou de loin. Telle est leur pratique erronée notamment pour la rémunération du courtier en crédit, alors que celui-ci est dans l’écrasante majorité consulté à la seule initiative de l’emprunteur.
En 2020, les tribunaux viennent de rappeler les banques à l’ordre, en réponse d’ailleurs à leurs propres demandes : les frais d’un courtier en crédit (ou « IOBSP ») sont exclus du Taux Annuel Effectif Global lorsqu’ils ne constituent pas l’une des conditions d’octroi du prêt. Le délai de rectification par toute une profession de ses pratiques non conformes présente un intéressant banc d’essai du respect du droit par les banques de détail françaises et de l’état de santé de ce marché.
Le taux d’usure représente le plafond du prix d’un crédit.
Depuis l’insondable nuit des temps du crédit, la question de la libre fixation de son prix fait l’objet de débats intenses. Quelle est la limite qu’un prêteur doit respecter dans sa demande de prix à l’emprunteur pour l’avance de fonds qu’il lui consent ? Le prix des crédits est plafonné. Il s’agit d’une exception notable au principe général de liberté des prix. Chacun sait bien que le seuil à ne pas dépasser s’appelle le taux d’usure. Il s’agit en vérité d’un terme simple en théorie, dont la réalité pratique est mal connue. En dessous du taux d’usure, le prix du crédit est légal ; au-delà, le prix du crédit est illégal et peut être sanctionné.
Pour mesurer le prix d’un crédit en regard du taux d’usure, il convient évidemment de déterminer ce qu’est le coût d’un crédit : d’évidence, les intérêts produits par le capital en font partie. Mais d’autres coûts s’y ajoutent.
Trois principales sources peuvent ainsi concerner le coût total d’un crédit :
- Les intérêts, eux-mêmes calculés à partir du taux d’intérêt débiteur (ou nominal ou conventionnel) selon le temps passé à disposer des capitaux et par une méthode actuarielle.
- Les coûts supplémentaires exigés par le prêteur comme préalable à l’accord de prêt : frais de dossier, assurances imposées (assurance de prêt, assurance habitation…), part sociale d’une banque coopérative par exemples. Ces coûts doivent être contractuellement exigés par le prêteur ; une simple « proposition commerciale » n’est pas l’une des conditions d’octroi du prêt (Cour d’appel de Rennes, 2e du 6 novembre 2020, n°17/03491).
- Les coûts engagés à la seule initiative de l’emprunteur, dans le cadre de sa recherche du prêt. Ils ne sont pas exigés par le prêteur, ils sont donc facultatifs. Ils ne sont pas toujours connus du prêteur.
Le concept fixé pour calculer le coût global est un indicateur chiffré. Il s’appelle le Taux Effectif Global (TEG) et il est le Taux Annuel Effectif Global (TAEG) pour l’écrasante majorité des prêts aux particuliers (consommateurs).
Les taux d’usure ou plafonds des crédits varient selon différentes catégories de prêts et chaque trimestre.
Le taux d’usure est à rapprocher du TAEG, l’indicateur de coût d’un crédit.
Parmi toutes les possibilités de calcul du prix d’un crédit, le TAEG fixe un périmètre. Le Taux Annuel Effectif Global, ou « TAEG » désigne l’indicateur du prix global d’un crédit. En dépit de son appellation, ce n’est donc pas un taux. Le Droit fixe les coûts qui entrent dans le calcul du TAEG ; ces coûts réunissent trois conditions, cumulatives (articles L. 314-1 et L. 311-1, 7° du Code de la consommation) :
- Ce sont des charges financières effectivement payées par l’emprunteur.
- Leurs montants sont connus du prêteur au moment de l’émission de l’offre de prêt (ou peuvent être déterminés, ce qui revient à les connaître).
- Ils correspondent à des services ou des actes exigés contractuellement par le prêteur pour obtenir le crédit (ou pour obtenir les conditions proposées par le prêteur).
Ainsi, seuls les coûts exigés par le prêteur aux montants connus et payés par l’emprunteur entrent dans le calcul du TAEG. Le TAEG posé s’est généralisé à tous les prêts aux particuliers (aux consommateurs) depuis 2016 dans toute l’Union européenne. Sa définition juridique actuelle diffère de la précédente, utilisée par les banques de 1967 à 2016, et est défavorable aux emprunteurs, bien évidemment.
Le TAEG assume donc deux principales fonctions :
- Vérifier que le prix global d’un crédit ne dépasse par le plafond légal : le taux d’usure.
- Permettre à l’emprunteur de comparer des crédits différents entre eux.
En dépit de la limpidité de ces principes, les banques françaises éprouvent manifestement les plus grandes difficultés à calculer les TAEG des prêts. Comme en témoigne un contentieux torrentiel, il est souvent utilisé comme ultime moyen de défense par les emprunteurs en difficulté avec le remboursement du crédit. Ce qui suscite une propagande bancaire étonnante : le TAEG serait trop obscur et trop raffiné. Comme toutes les fort ennuyeuses mesures de protection des consommateurs sans doute. En réalité, les banques françaises démontrent qu’elles sont incapables de maîtriser un processus industriel bien simple, pourtant précisément détaillé par la règle de Droit. Lassant les juges, l’abondant contentieux du TAEG tourne à présent à l’avantage des banques : petit à petit, la remise en cause judiciaire du TAEG erroné se restreint à la portion congrue, laissant ainsi toute latitude aux pratiques erronées des banques. Ce qui interroge même quant au principe fondamental de protection du consommateur de produits bancaires.
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Par Laurent Denis
Ouvrages de Laurent Denis aux éditions Arnaud Franel :
Réussir son crédit immobilier