Les critères pour le statut du Loueur Meublé Professionnel (LMP)
Depuis 2009, il était nécessaire de remplir trois conditions cumulatives pour être considéré comme loueur en meublé professionnel, dont le fait d’être inscrit au registre du commerce et des sociétés ou RCS, mais dans une décision du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution cette dernière condition. Que cela change-t-il précisément?
Les critères en vigueur depuis 2009
Depuis 2009, il était nécessaire de remplir trois conditions cumulatives pour être considéré comme loueur en meublé professionnel :
- être inscrit au registre du commerce et des sociétés ou RCS (ce qui implique des cotisations de charges sociales de TNS),
- tirer de l’activité de location en meublé un chiffre d’affaires annuel de 23.000 € TTC minimum (créances acquises/dettes certaines),
- dégager des recettes qui excèdent les autres revenus d’activité du foyer fiscal soumis à l’IRPP progressif (salaires, rentes, pensions, BIC, BNC, BA) (sont donc exclus les dividendes et les revenus locatifs)[1].
N.B. : la condition d’inscription au RCS est malheureusement difficile à satisfaire car la location meublée n’est pas juridiquement une activité commerciale. Afin de pallier ces difficultés d’application, l’administration a prévu :
- soit un formulaire de déclaration de début d’activité commerciale au sens fiscal (formulaire P0i) ;
- soit une tolérance administrative qui permet d’obtenir le statut de LMP sans inscription au RCS, sous condition de fournir la preuve écrite du refus d’inscription[2].
Les conséquences directes et indirectes qu’entraîne la suppression annoncée de la condition d’inscription au RCS [3]
Dans une décision du 8 février 2018 (décision n°2017-689 QPC), le Conseil constitutionnel, interrogé sur les critères de qualification du loueur en meublé professionnel[4], a jugé comme contraire à la Constitution la condition d’inscription au RCS.
Attention : cette QPC ne porte pas sur l’actuelle définition du loueur en meublé[5].
La suppression de la condition d’inscription au RCS impliquerait un basculement immédiat et automatique de nombreux loueurs en meublé exploitant sous la forme individuelle, du statut de loueur en meublé non professionnel vers le statut de loueur en meublé professionnel (puisque suppression du critère d’inscription nécessaire au RCS pour « choisir » le régime fiscal qui leur est applicable[6]), avec des conséquences pouvant être lourdes :
Les déficits provenant de l’activité de location meublée, imputables sur le revenu global, ne vont plus impacter l’assiette des cotisations ou prélèvements sociaux. Les éventuels déficits non professionnels en report risquent quant à eux d’être perdus, ne pouvant plus, à l’avenir, s’imputer sur les revenus provenant de la location meublée.
Les plus-values constatées en cas de vente des immeubles vont relever du régime des plus-values professionnelles.
Modification du traitement fiscal des périodes de jouissance privative : contrairement aux loueurs en meublé non professionnels (en régime réel) imposables sur la valeur locative représentative des périodes d’utilisation personnelle, les loueurs en meublé professionnels doivent réintégrer les charges et amortissements correspondant à ces périodes.[7]
Remise en cause de l’avantage fiscal (le dispositif « Censi-Bouvard » en particulier, n’ouvre droit à réduction d’impôt qu’au profit des personnes qui revêtent la qualité de loueur en meublé non professionnel, cette qualité devant être conservée tout au long de l’engagement de location), et sans aucune possibilité d’amortir les constructions (lors de la revente, la plus-value professionnelle sera cependant calculée sous déduction des amortissements pratiqués en comptabilité, pourtant non déduits fiscalement.[8])
IFI et traitement des autres actifs dits « professionnels » : lorsque « l’entreprise bien professionnel » est exploitée en société relevant de l’IS, le redevable doit, pour être exonérer d’IFI, occuper une fonction de direction éligible et percevoir une rémunération normale représentant plus de 50 % de ses revenus d’activité (traitements et salaires, BIC, BNC, BA à l’exclusion des revenus non professionnels). Mais les « nouveaux » revenus du LMNP devenu LMP entrent dans ces revenus d’activités, et le seuil de 50 % issu de sa rémunération « entreprise bien professionnel » peut ne plus se trouver respecté…
Assujettissement automatique aux cotisations sociales de toutes les personnes exploitant en entreprise individuelle qui réalisent plus de 23 000 € de recettes (taux de cotisations, allant jusqu’à 45 % environ, appliqué au bénéfice imposable, avec un minimum de cotisations de 1202 € pour 2018).
Conséquences juridiques sur la protection de l’investisseur dans ses relations contractuelles : suivant ce qui sera retenu comme critère par les Cours de Cassation (qualification fiscale ou inscription au RCS) pour en déduire le régime juridique applicable (particulier ou professionnel), cela impactera (ou non) l’étendue de la protection du loueur en meublé dont il pouvait se prévaloir dans ses relations avec la banque (droit de rétractation de l’acquéreur immobilier et en matière de prêt immobilier ? dispositions relatives à l’offre, aux mentions obligatoires et au délai de réflexion ? plafonnement des indemnités de remboursement anticipé ? faculté de résiliation de l’assurance-emprunteur ?)
Notes :
[1] Nora FAUGÈRE – Consultante Fidroit – 27/02/2018
[2] prévus par l’article 151 septies du CGI dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2005
[3] désormais intégrée à l’article 155, IV du CGI
[4] BOI-BIC-CHAMP-40-10 § 70
[5] Confirmé par la doctrine administrative au BOI-BIC-CHAMP-40-20 § 59
[6] BOI-BIC-CHAMP-40-20 § 320 à 340
[1] art 79 du CGI
[2] §80 du BOI-BIC-CHAMP-40-10
Par Céline Mahinc
http://www.edenfinances.fr/
Ouvrages de Céline Mahinc aux éditions Arnaud Franel :
ID Reflex’ Location en meublé LMP-LMNP
Vademecum de l’immobilier 2018