2018 : la libéralisation de l’assurance-emprunteur. Enfin ! (2/2)
Contrairement à la supposition de votre banque, la liberté de résiliation annuelle de l’assurance-emprunteur par l’emprunteur est conforme aux droits et aux libertés garantis par la Constitution française. Après l’appui du législateur, voici le Juge qui se met au service de l’équilibre bancaire. Dans un ultime sursaut de résistance, pour sauver les marges récoltées à l’aide de produits imposés, les banques ont contesté la réforme législative ouvrant la voie à la résiliation annuelle. En vain.
Le syndicat professionnel français des banques a ainsi introduit devant le Conseil d’Etat une action contestant cette réforme (apportée par la Loi n° 2017-203 du 21 février 2017, ratifiant les Ordonnances qui fixent le Code de la consommation, puisque le pléthorique Parlement national a déclaré son faible intérêt pour débattre en profondeur de la législation de la consommation, sujet d’évidence secondaire aux yeux des députés et des sénateurs). Argument suprême : ce droit de résiliation donné aux Consommateurs serait incompatible avec les droits et les libertés garantis par la Constitution française.
Belle question. Tranchée tout net par le Conseil constitutionnel.
Le 12 janvier 2018, ce dernier a rendu son verdict : totalement à l’inverse de la supposition des banques. Car « en instituant un droit de résiliation annuel des contrats d’assurance de groupe au bénéfice des emprunteurs, le législateur a entendu renforcer la protection des consommateurs en assurant un meilleur équilibre contractuel entre l’assuré emprunteur et les établissements bancaires » (Décision 2017-685 ou lien : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2018/2017-685-qpc/communique-de-presse.150538.html).
Un demi-siècle de gabegie bancaire légale ne saurait faire passer ce résultat, élémentaire, comme une glorieuse victoire. L’Histoire bancaire dira peut-être un jour que les Autorités publiques, avec la complicité du droit et des juges, dans une touchante conjonction des pouvoirs, a laissé des millions de consommateurs en proie à un modèle économique bancaire totalement déséquilibré, sans grand contrôle, fondé sur le principe de l’achat obligatoire à marge non-négociable et élevée.
À présent, voici venu le temps du marché.
Passer du droit à la pratique : comment résilier annuellement une assurance-emprunteur ?
L’emprunteur-Particulier dispose de trois occasions de sélectionner une assurance-emprunteur : durant la négociation du contrat de crédit, une année après la conclusion de ce contrat et une fois par année, à date anniversaire du contrat. Tous les contrats d’assurance de crédits émis, que ce soit avant ou après le 22 février 2017, ouvrent droit à la résiliation annuelle. L’emprunteur qui souhaite réaliser des économies, forcément à garanties équivalentes, doit tout d’abord bien identifier la date d’échéance de son assurance-emprunteur.
L’emprunteur sélectionnera un contrat aux garanties équivalentes. Pour réaliser efficacement cette comparaison des garanties, l’emprunteur se réfère utilement à une grille de comparaison du niveau d’équivalence en assurance-emprunteur, diffusée publiquement (lien inséré : https://www.ccsfin.fr/avis-sur-lequivalence-du-niveau-de-garantie-en-assurance-emprunteur-0
Il revient à l’’établissement prêteur qui refuse une proposition d’assurance-emprunteur soumise par un Particulier de motiver sa décision (article L. 313-30 du Code de la consommation).
Au passage, il n’est d’ailleurs pas superflu pour l’emprunteur de profiter de la résiliation annuelle pour examiner et pour renforcer des garanties, qui peuvent avoir été proposées initialement de manière fort légère. L’emprunteur vérifiera que le niveau de protection est bien celui qu’il souhaite, par exemple, en réalisant quelques simulations financières.
Et au moins deux mois à l’avance, il communiquera un courrier solidement argumenté à l’assureur couvrant le contrat en cours (modèle de courrier en accès libre, ou lien : http://endroit-avocat.fr/resiliation-annuelle-dassurance-emprunteur-modele-de-courrier/).
Après la liberté dans le flux des nouveaux contrats, voici le temps de la liberté appliquée à tout le stock. Soit un marché de près de neuf milliards d’euros de cotisations cumulées, annuelles, à 85% aux mains des banques. La résiliation de l’assurance-emprunteur est un droit des emprunteurs, pour tous les contrats en vigueur. Voici la fin de la résistance inouïe des banques à cette liberté. Le choix du contrat d’assurance-emprunteur revient au consommateur, pas au prêteur. Désormais, les emprunteurs déterminent librement leurs contrats de crédits immobiliers et leurs contrats d’assurance de ces crédits, sans fausses liaisons, aussi contraires à leurs intérêts que dangereuses.
Par Laurent Denis
Ouvrages de Laurent Denis aux éditions Arnaud Franel :
Réussir son crédit immobilier