Les ICO, nouvelle tocade des geeks ou miroir aux alouettes pour les épargnants
Les milliards s’accumulent, la nouvelle tocade du spéculateur en chambre se développe à la vitesse de l’éclair : ce sont les ICO (initial coins offering). Ou vente « à l’émission » de tokens.
Disons les choses sans s’encombrer de la phraséologie geek ou crypto-fan, les ICO sont des levées de fonds qui s’évitent les souffrances de l’émission d’actions, des émissions d’obligations ou les pires, celles qui passent par les prêts bancaires.
L’expression elle-même renvoie à l’économie des start-upers, ceux-là qui passaient par les fourches caudines des IPO (initial public offering ou introduction en bourse) organisées, régulées et contrôlées par les traditionnels « tiers de confiance » : banques, assurances, ventures capitalistes et leurs institutions de tutelle.
Dans un monde « anti-tiers-de-confiance » qui découvre que grâce aux monnaies « nées de rien » on peut s’enrichir en quelques semaines, c’est une libération de l’argent qui est en cours et qui passe par le recours libre à des investisseurs « monsieur tout le monde » libres, qui peuvent enfin investir librement avec la « légitime ambition » de « faire de l’argent le plus vite possible ».
Les ICO sont donc des appels tout à fait privés à l’épargne publique. Comme il n’y a pas de régulation, tous les commentaires sont libres ainsi que tous les arguments pour attirer l’investisseur. Par exemple, on lit dans la presse « disruptive » qu’on ne peut souscrire à une ICO qu’au moyen de monnaies cryptées, bitcoin, ethereum ou autres selon le prospectus de mise sur le marché. C’était peut-être un souhait de tous les ennemis des « fiat monnaies » dont on sait qu’elles sont sous l’impérium des banques centrales haïes. Ce n’est plus vrai : de plus en plus d’ICO passent par les monnaies détestées.
Les émissions d’ICO concernent en général des entreprises qui sont en cours de démarrage ou de projets d’entreprises, ou mêmes d’idées d’entreprises. Mais on assiste de plus en plus à des levées de fonds lancées par des entreprises déjà existantes qui veulent financer leurs développements futurs.
Le souscripteur des tokens (ou coins) dans le cadre d’une ICO, n’a pas les droits d’un actionnaire (participer aux décisions et droit aux bénéfices), il ne dispose pas d’un droit à être remboursé comme dans le cadre d’une obligation. Il ne dispose d’aucune protection légale puisque la plupart des ICO sont lancées en dehors des cadres et contraintes légales quels que soient les pays. Le souscripteur est donc un homme libre qui vit librement et investit là où il l’entend sans être soumis aux fourches caudines des formulaires réglementaires et des prospectus agréés.
De quel droit dispose-t-il ?
En premier lieu de revendre les tokens. Ces derniers ne sont pas « cotés » sur des places de marché régulées. Ce sont donc des opérations over the counter ou « de gré à gré ». Les émissions de tokens prévoient aussi des participations aux résultats, ou l’accès aux services que l’entreprise se propose de mettre sur le marché.
Puisque n’importe qui, installé n’importe où, dans n’importe quel pays ou groupe de pays, peut émettre des ICO, on devine que le placement est particulièrement risqué et hautement spéculatif. Les partisans du système soulignent à l’envi que sont enfin libres la recherche et la fourniture d’argent destinées aux entreprises innovantes et jeunes. Ils mettent en valeur que de très beaux profits ont été réalisés par des investisseurs dynamiques et confiants. Plus pessimistes, certains rappellent que le jour où les investisseurs découvrent que le projet financé est une aimable plaisanterie ou une escroquerie pure et simple, il est déjà trop tard : ils ont tout perdu.
Par Pascal Ordonneau
Ouvrages de Pascal Ordonneau aux éditions Arnaud Franel :
Monnaies cryptées et blockchain