Loi de finances rectificative pour 2016 : quels impacts pour le PEA ?
Les lois de finances rectificatives, adoptées en cours d’année, modifient les dispositions des lois de finances initiales compte tenu de la conjoncture économique.
Elles permettent notamment la modification à la hausse ou à la baisse des plafonds des dépenses de l’État et des données générales de l’équilibre budgétaire. Elles donnent également l’occasion au législateur d’amender certains textes fiscaux afin, par exemple, de tenir compte de jurisprudences considérées comme contraire à ses intérêts.
Une loi de finances rectificative pour 2016 modifiant les règles du PEA
Le collectif budgétaire pour 2016 ne fait pas exception à cette règle, notamment en ce qui concerne l’instauration de mesures destinées à contrecarrer certaines jurisprudences récentes.
Ainsi, tirant les conséquences de deux décisions du Conseil d’État, la loi de finances rectificative pour 2016 restreint les règles d’inscription d’actifs sur un PEA à compter du 6 décembre 2016 (l’ensemble de ces dispositions s’appliquant également au PEA-PME).
L’interdiction des « ventes à soi-même »
D’une part, il devient interdit d’acquérir via un PEA des actifs déjà « détenus hors de ce plan par le titulaire du plan, son conjoint, le partenaire auquel il est liée par un PACS ou leurs ascendants ou descendants » (modification de l’article L. 221-31 du Code Monétaire et Financier).
Cette interdiction des « ventes à soi-même » vise à faire échec à la fameuse décision Louis du Conseil d’État ayant jugé que ne commet pas un abus de droit un contribuable qui se « vend à soi-même » des titres qu’il détient déjà hors PEA afin de les inscrire sur son plan (CE 14-10-2015, n° 374211).
Cette nouvelle règle doit être approuvée tant la décision Louis fut décriée, à juste titre, par la doctrine (voir notamment mon billet sur le sujet ici).
Néanmoins, il est encore une fois rageant de constater que sous couvert de lutter contre des schémas parfois abusifs, le législateur instaure une mesure bien trop large.
En effet, outre la prohibition des « ventes à soi-même » stricto sensu, cette disposition interdit au titulaire d’un PEA d’acquérir des actifs auprès des membres de son groupe familial afin de les loger sur son plan.
Or toute cession entre membres d’une même famille n’est pas abusive. Ces opérations sont souvent justifiables, voire nécessaires (par exemple pour permettre la sortie d’un associé à l’occasion de la restructuration d’une société familiale).
En outre, c’est oublier que l’administration fiscale dispose de la procédure de l’abus de droit pour tenter de remettre en cause des opérations considérées comme litigieuses (cf. les développements de mon ouvrage relatifs aux cessions croisées en vue d’inscrire des titres en nature sur un PEA sans justifications économiques).
Encore une fois, le bébé est jeté avec l’eau du bain !
Un renforcement des règles anti-participations substantielles
D’autre part, la loi de finances rectificative pour 2016 renforce les interdictions liées à la détention de « participations substantielles » au sein d’un PEA.
Rappelons tout d’abord que le titulaire d’un plan et son groupe familial ne doivent pas détenir ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la société dont des titres figurent sur un plan (ce pourcentage s’apprécie pendant toute la durée du plan. Mais il tient également compte des participations détenues au cours des cinq années précédant l’acquisition des titres par le titulaire).
Depuis longtemps, l’administration fiscale appréhende cette détention indirecte de manière purement mathématique : par exemple, un titulaire détenant 10 % des actions d’une société X et 20 % d’une holding H détenant elle-même 90 % des titres de X est considéré comme détenant directement et indirectement 28 % des titres X (voir notamment BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20-20160530, n° 550).
Or le Conseil d’État, interprétant strictement la loi, a récemment jugé que la prise en compte des participations indirectes implique que la société interposée (la holding H dans notre exemple) soit détenue majoritairement par le titulaire du plan ou les membres de son groupe familial et soit dirigée par l’une de ces personnes (CE 17-3-2016, n° 390861 ; CAA Bordeaux 16 avril 2015, n° 13BX01888).
Afin « d’éviter de loger dans un PEA les titres d’une entreprise qu’on contrôle », le calcul arithmétique de l’administration fiscale est donc légalisé.
Par Julien Dupré
Ouvrages de Julien Dupré aux éditions Arnaud Franel :
Le PEA et le PEA-PME
Le PEA et le PEA-PME