Les donations : les clauses spécifiques à prévoir – 2/2
(suite de l’article Les donations : les clauses spécifiques à prévoir – 1/2)
Certains donateurs sont aussi animés par la volonté de pouvoir répartir de leur vivant les biens entre leurs futurs héritiers. L’objectif est d’éviter une indivision au moment du décès et des disputes qui pourraient en résulter sur l’attribution des biens. L’outil idéal pour réaliser une telle opération est la fameuse « donation-partage ». Elle présente l’avantage de ne pas avoir à revenir sur les biens qui ont déjà été donnés au moment du décès. En effet par exception au principe général, les biens donnés dans le cadre d’une donation-partage ne sont pas rapportables dans la succession du donateur pour leur valeur au décès.
Dans des arrêts récents, la cour de cassation a décidé que le caractère « partage » de la donation imposait que la donation porte sur la totalité des biens transmis (et non une quote-part) et que chaque bien ne soit transmis qu’à un seul donataire. Cette jurisprudence restrictive ferme la voie des donations-partage aux hypothèses où le donateur ne souhaite donner qu’une quote-part d’un bien (par exemple 30 %) ou toutes les fois où le donateur ne dispose pas d’autant de biens que d’enfants. Dans les cas où une donation-partage n’est donc pas possible pour ces raisons, il peut être opportun de prévoir une clause de rapport forfaitaire pour limiter les risques de réévaluation (et donc de potentielles querelles) entre les héritiers.
La donation-partage peut également être utilisée dans l’hypothèse où l’un des donataires verse une soulte aux autres donataires. Les donations avec soulte sont fort utiles pour les donateurs qui n’ont pas forcément autant de biens que d’enfants. Ceci implique que l’un des enfants soit prêt à indemniser ses frères et sœurs pour récupérer la totalité du bien donné (un emprunt est possible).
Au-delà du choix sur la nature et la forme de la donation, il est possible de stipuler des clauses spécifiques permettant d’encadrer la donation.
Les clauses pour encadrer la donation
Certaines sont classiques. D’autres sont moins fréquentes et sont de nature à répondre à des problématiques spécifiques.
Parmi les clauses usuelles, la plupart sont destinées à éviter que le bien donné ne sorte de la famille.
La plus fréquente est le droit de retour : elle prévoit qu’en cas de décès du donataire avant le donateur, celui-ci récupère le bien donné. Cette clause peut faire l’objet de différentes modulations : prise en compte de la présence ou non de petits-enfants, impact sur les dispositions prises en faveur du conjoint du donataire décédé.
Une autre clause est également fréquente, surtout en cas de réserve d’usufruit ou de droit de retour : il s’agit de l’interdiction d’aliéner ou d’hypothéquer le bien donné. Cela empêche que, du vivant de l’usufruitier, la nue-propriété ne puisse être vendue à une personne étrangère à la famille. L’interdiction d’hypothéquer est destinée à éviter que le bien ne puisse être saisi par un créancier (une banque par exemple).
L’interdiction de mise en communauté est une clause qui empêche la mise en communauté du bien (dans le cadre d’un mariage ou d’un changement de régime matrimonial), du vivant du donateur.
D’autres clauses, plus sophistiquées, sont destinées à s’assurer soit de l’utilisation du bien donné, soit de la transmission ultérieure du bien.
L’obligation d’emploi est fréquente en matière de donation de somme d’argent : elle a pour vocation d’obliger le donateur à utiliser le bien pour un usage déterminé : acquisition d’un bien immobilier, financement d’études… Cette clause peut faire l’objet de différentes variantes : limitation du contrôle dans le temps (jusqu’au 25e anniversaire du donataire par exemple), déblocage des fonds sous le contrôle d’un tiers (compagnie d’assurance par exemple), pour s’assurer que l’obligation est bien respectée, simple obligation juridique sans contrôle particulier…
Il est également possible de prévoir des clauses afin d’organiser la transmission ultérieure du bien à une tierce personne. Ces clauses peuvent avoir une utilité dans les familles recomposées (transmission au nouveau conjoint à charge de retransmettre aux enfants de la première union) ou dans le cadre d’une transmission sur plusieurs générations (transmission aux enfants puis aux petits-enfants ou aux arrières petits-enfants). Il existe deux sortes de transmission successive. La première, appelée clause graduelle, interdit au premier bénéficiaire de vendre le bien : cette clause protège totalement le second bénéficiaire mais peut avoir pour conséquence une sclérose du patrimoine (notamment pour des placements financiers qui pourraient nécessiter des arbitrages). C’est la raison pour laquelle une autre clause, intitulée clause résiduelle, permet l’aliénation du bien : la seconde transmission ne porte alors que sur ce qui n’a pas été vendu. La clause résiduelle permet une gestion plus dynamique du patrimoine mais fragilise le deuxième bénéficiaire : le premier bénéficiaire n’a en effet qu’à vendre le bien pour faire « tomber » la seconde transmission. L’association d’une société civile de patrimoine et d’une clause graduelle permet de concilier les deux impératifs : gestion active du patrimoine par la société civile et protection du second bénéficiaire qui est assuré de pouvoir récupérer la propriété des parts de la société civile de patrimoine.
La donation-partage transgénérationnelle est également une possibilité nouvelle qui permet un saut de génération dans le cadre sécurisé de la donation partage (qui, comme nous l’avons vu, évite toute discussion sur les biens donnés au moment du décès du donateur). Ce type de donation va permettre à des grands-parents de transmettre des biens à leurs enfants qui eux même accepteront de transmettre dans le même acte à leurs propres enfants.
Au terme de cet article il convient de rappeler que l’utilisation de la société civile (et notamment de la SCI) peut permettre d’aller au-delà, en prévoyant des clauses encore plus spécifiques.
Voir nos articles sur les SCI : https://www.vademecum-patrimoine.com/tag/sci/
Par Paul-André Soreau
Ouvrages de Paul-André Soreau aux éditions Arnaud Franel :
ID Reflex’ Successions – 8e édition
ID Reflex’ Transmission d’entreprise – 2013
ID Reflex’ SCI – 2014
L’Interdiction de mise en communauté est-il équivalent à la clause de non apport?
Bonjour Paul André,
J’espère que vous allez bien ainsi que toute votre belle famille.Les temps sont compliqués et en cette période d’incertitude, nous avons quelques questions à vous poser:
Est il possible d’organiser dès maintenant une donation partage( ou un engagement à ..), même si nous n’avons pas encore touché les successions de nos parents , au bénéfice de nos 5 autres enfants, puisque nous avons déjà donné à notre fille Charlotte ( c’est vous qui avez enregistré cet acte) ? Si ce n’est pas le cas, comment pouvons nous nous organiser? notre sujet est double:1) il semble que les droits et taxes sur ces actes risquent d’augmenter beaucoup après cette crise( le confirmez vous?) 2) comment faire en sorte que si nous décédions tous les 2 prochainement et avant d’avoir fait cette donation, notre fille Charlotte ( et ses créanciers éventuels) se voit soustraire de sa part de succession la valeur de ce qu’elle a déjà reçue?
Je vous remercie de me répondre à moi personnellement, car Jean Marc est assez surchargé ( y compris mentalement) actuellement.
Bien cordialement Cécile Salvanès
Une clause d’obligation d’emploi attachée à une donation d’un bien immobilier de 1857, est-elle toujours valable en 2020 ?
Bonjour, mon mari à reçu une donation partage de la part de son père.
Le même jour, devant notaire, je suis rentrée en communauté.
Nous avons fait un prêt commun pour la soulte de ses 2 soeurs et les travaux de la maison.
En cas de décès de mon mari ou de divorce, à quoi ai je droit?
Merci pour votre réponse…